Sous les étoiles - Sanyu

Retrouver Roman, ici, dans ce road-trip avait été quelque chose de parfaitement inattendu, mais il était heureux d'avoir un visage familier. Et la joie qu'il avait ressentie était plus grande qu'il ne l'avait imaginé, ne voyant pas la journée passer en visitant la ville. C'était pourtant le corps éreinté qu'il était allé se coucher, mais Troy n'avait pas trouvé le sommeil. Ce devait être minuit passé, il était sorti du bus, après avoir enfilé un sweat et un jean, passant devant le muret où il avait laissé un morceau de papier le matin même, surpris de la tournure qu'avait été cette envie de proposer un jeu de piste à travers les Etats-Unis, devenu un échange avec un parfait inconnu avec une écriture délicate.

Il n'avait qu'à traverser la route, marcher une vingtaine de mètres et sauter un autre muret pour atteindre un espace vert avec un coin d'eau un peu plus loin. Sautant par-dessus, sans lumière, ne se guidant que par les quelques rares lumières allumées du coin, il se laissa tomber contre ledit muret, ses jambes se perdant dans l'herbe un peu haute. Son contact était agréable et il laissait ses mains aller et venir, sa tête se releva pour admirer les étoiles. Cela faisait des années qu'il n'avait pas pris le temps de les admirer. Les fois où il avait essayé, il s'était trouvé dans des villes où la pollution lumineuse l'empêchait de se perdre dans l'infinité de l'espace. Il n'y avait presque aucun bruit, quelques voitures passaient non loin, mais la ville semblait si calme à côté de New-York et Troy avait du mal à s'y habituer même s'il avait acheté des boules Quies pour ne pas entre les ronfleurs et bavards nocturnes. Une brise légère qui rafraîchissait une journée qui avait atteint les 28°. L'anglais se perdait dans cette contemplation, retrouvant les étoiles, celles qu'il avait appris à reconnaître en dessinant des traits pour les relier, que ce soit la grande ou la petite ourse, la vierge, la baleine ou l'aigle. Souriant, il laissa ses pensées se perdre à leur tour, sentant qu'il se sentait bien, fatigué, mais bien. Ce départ avait été la bonne décision.

Troy ne sut au bout de combien de temps mais du bruit retentit à quelques mètres de lui. Des pas sur ce petit chemin qu'il avait pris, qui longerait le muret si on continuait son chemin, offrant une balade sympathique à ceux qui avait envie. Il pensait que cette personne pourrait se balader et n'en tint pas compte, se disant qu'il se camouflait dans l'herbe avec ses vêtements sombres. Enfin ... Jusqu'à ce que les pas s'arrêtent et qu'il se prenne un coup sur un côté de son visage, touchant, par la même occasion, son épaule. Et parce qu'il se pensait pendant un court instant en danger, le haut de son corps se décala alors que le reste n'avait pas bougé. Penché ainsi, les bras en position défensive, il avait plus l'air ridicule que menaçant.

Aouch ! Je suis pas venu pour souffrir ni pour être enlevé par un voleur d'organes !

Mais ce n'était ni un tortionnaire ni un voleur d'organe. Loin de là.

( C ) NOCTEM

La première nuit passée dans le bus s’est…bien passée. Oui. L’aventage qu’elle a de mieux dormir lorsqu’il y a du bruit autour d’elle, de mieux dormir lorsqu’elle est dans une voiture ou un bus. Ça l’a aidé à bien se reposer. Elle aurait pu vraiment mal dormir. Après tout, l’excitation aurait pu l’empêcher de même fermer l’oeil. Heureusement, ça n’a pas été le cas. Elle s’est rapidement demandé ce qu’il en était advenu de sa petite lettre, mise à côté de l’autre, sur le muret à New York mais son esprit passe rapidement à autre chose. Nuit passée, il est maintenant l’heure de la journée. Et elle n’a aucune idée de ce qu’elle va faire. Si seulement c’était un truc de visite guidée, elle n’aurait pas à se poser la question mais malheureusement, ce n’est pas le cas. Et Sanyu n’est pas bien sûre de réussir à bien gérer son temps. Seule, elle n’a jamais vraiment bien réussi à gérer son temps.

Lorsqu’elle finit par retourner au bus, le soir même, elle sourit. Yes. Elle a réussi à passer cette journée dehors (plus ou moins quelques exceptions où elle est revenue dans le bus pour se ressourcer - entre ici jouer avec le chien). Elle a réussit à faire des trucs et surtout à faire des trucs sans s’acheter de malbouffe. Elle a acheté pleins de trucs inutiles hein, des portes clés qu’elle mettra jamais à ses clés, des magnets qu’elle offrira probablement à sa mère, des posters pourris qui lui font penser à son demi frère et des livres aux messages mal cachés à donner à son père. Elle se souvient toujours avec affection de ce jour où, le même Noël, il lui a offert un livre  “comment prendre sa vie en main” et qu’elle lui a tendu un “comment être un bon père”. Oui. Ils avaient bien ri, ce jour là.

Mais voilà, la journée finie, elle est plus bien sûre de ce qu’elle veut faire maintenant. Dormir ? Non, il est trop tôt pour ça. Puis si l’excitation hier l’a plutôt achevée, aujourd’hui elle est de ses excitations qui l’empêchent plutôt de trouver le sommeil. Elle sort sa liseuse et ouvre un chapitre. Peut-être qu’après avoir lu un chapitre entier, elle réussira à mieux dormir.
Ou pas.
Elle sort son ordinateur. Un épisode de Criminal Minds ? Rien de mieux que de voir des corps charcutés à l’écran pour bien dormir (et l’intelligence sexy du Dr. Reid).
Non. Toujours pas.

Il est tard dans la nuit lorsqu’elle finit par comprendre qu’elle n’arrivera pas à dormir de sitôt. De ce qui lui sert de fenêtre elle voit qu’il fait nuit. Elle voit des étoiles. C’est si rare de réussir à bien voir les étoiles. Peut-être, peut-être qu’elle devrait en profiter.
Elle en profite pour prendre sa dernière réponse à la lettre de l’inconnu pour la mettre dans le muret où elle a trouvé sa réponse, plus tôt dans la journée.
Habillée de son jogging et d’un débardeur qu’elle utilise comme pyjama, elle sort silencieusement (le plus silencieusement qu’elle peut, elle la bourrine) du bus. Elle a des tongues au pied (est ravie que sa mère l’ait forcé à les mettre dans son sac avant de partir) et marche jusqu’à un endroit pour s’assoir.
Un muret. Parfait. Elle passe un pied, puis l’autre, un peu plus difficilement, les yeux déjà rivés vers le ciel.
C’est lorsque son pied heurte quelque chose et qu’elle entend une voix qu’elle se rend compte qu’elle n’est pas seule. Sans attendre que la personne ait terminé de parler, elle parle au dessus. “Oh gosh, désolée.” qu’elle lui lance, la moue un peu déformée, désolée. “J’suis vraiment vraiment désolée, j’avais pas vu que vous étiez là. T’étais là. Vous étiez là. Désolée.” Sa tongue gauche a volé par loin du garçon par terre et elle finit de passer le muret pour finalement marcher dans l’herbe et attraper sa tongue avant de la remettre. Heureusement qu’elle tient bien en équilibre ou elle lui serait tombé dessus, en prime. Elle retourne s’assoir sur le muret, un peu plus loin et en profite pour faufiler la lettre dans un creux assez large pour y déposer une lettre.

( C ) NOCTEM

L'air était frais, mais loin d'être désagréable, les étoiles étaient visibles et il n'était pas difficile de les reconnaître et selon la période de l'année, certaines planètes étaient visibles comme l'était Saturne ce soir. Il hésitait à s'allonger dans l'herbe pour avoir une vue plus grande, mais il se le réservait pour plus tard, quand son cou en aurait marre. Enfin, peut-être aurait-il valu qu'il s'allonge immédiatement, car les bruits de pas qui s'étaient rapprochés, s'étaient arrêtés à sa hauteur et TJ se reçut un coup sur la tête. Et alors qu'il s'adressait à l'inconnue, dans une fausse position défensive, c'était la voix d'une jeune femme qui se confondit en excuse, plus que désolée tant elle l'avait répétée. Elle perdit sa chaussure dans l'action, un peu plus loin. Ainsi, Troy n'avait pas affaire à une voleuse d'organe. Désarmant son attaque non-létale, ni dangereuse, il se massa le côté du visage touché, se doutant que la douleur passera assez vite.

C'est pas grave, je vais sûrement mourir d'une blessure ouverte, mais je survirai ! Plaisanta-t-il la courte dose d'adrénaline retombée, toujours la main sur son visage J'avoue ne pas avoir mis de panneau de signalisation pour marquer ma présence. Et je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait du monde à cette heure, même si je crois qu'il y a des insomniaques dans les bus. Tu fais bien partie des bus, hein ?

Il était peu probable qu'elle n'en fasse pas partie. Le parking n'était pas à côté de résidence et il a pu voir malgré la pénombre qu'elle portait un simple débardeur avec un jogging. Ce n'était, après tout, pas impossible qu'elle soit une habitante de Wethersfield, mais l'histoire serait sûrement sordide. Elle était partie chercher sa chaussure  un peu plus loin, revenant peu après à distance de Troy. Il ne l'avait pas vu, car l'anglais venait de s'allonger dans l'herbe, disparaissant dans celles-ci, soupirant d'aise en sentant l'humidité de cette dernière.

Balade nocturne ou observation des étoiles ? Finit-il par demander.

Parce qu'elle pouvait avoir voulu passer par dessus le muret afin de se balader.

( C ) NOCTEM

Elle se sent un peu mal de lui avoir mis un coup de pied et la réaction habituelle serait probablement de repartir dans le bus mais elle a envie de regarder les étoiles. Elle a envie de profiter de ce moment tant qu’elle le peut, elle qui est si habituée à avoir les étoiles cachées par les lumières de la ville ou la pollution. Surtout la pollution. Alors elle reste assise, juste assez loin de lui pour être certaine de pas inintentionnellement le blesser de nouveau. Assez loin de lion aussi pour qu’il ne la voit pas déposer la lettre dans le creux du muret. Cet échange de lettres, elle aurait jamais pensé que ça deviendrait vraiment quelque chose de concret et de continu. Après tout, ce genre de trucs, c’est dans les romcom qu’on les voit. C’est le synopsis d’un film pour adolescentes prépubaires qui pensent toujours que l’amour existe et que ce n’est pas juste du désir auquel on s’habitue. Sanyu est surprise de voir que la personne avec qui elle écrit continue de lui répondre. Mais tant mieux. Ça lui donne une sorte de fil rouge. Ça lui donne une façon originale de garder des souvenirs de son voyage. Sauf qu’au lieu des basiques photos et magnets pour le frigo, c’est des lettres.

La réaction du garçon la surprend et elle rigole. Mourir d’une blessure ouverte, arme du crime : tongue en mousse. Convainquant. À coup sûr, Aaron Hotchner trouverait ça intéressant. Elle hoche la tête (dans le noir, elle a des idées smart souvent) pour affirmer qu’elle vient bien des bus. Elle voit pas vraiment la tête du garçon donc elle peut pas dire si elle le reconnaît et sa voix ne lui dit rien. Ce n’est pas quelqu”un à qui elle a parlé. Pas qu’elle ait parlé à grand monde, d’ailleurs.

Lorsqu’elle descend le regard vers lui, elle se rend compte qu’il est allongé dans l’herbe. Surprenant, c’est le moins que l’on puisse dire. Et en même temps, est-ce vraiment si surprenant que ça ? S’il veut regarder les étoiles, être allongé dans l’herbe est probablement la meilleure solution. Et malgré ça, ce n’est pas une solution qu’elle adoptera, pour une seule et bonne raison : les insectes. Elle refuse de s’allonger, aussi belle soit la vue, si elle risque d’être montée dessus par des fourmis ou pire, des araignées. Oui, elle a des vêtements, mais ça change pas grand chose pour elle, la moindre idée même qu’une fourmi commence à lui grimper sur la jambe alors qu’elle a juste les pieds par terre déjà, ça la dégoute. Elle sait bien que sur le muret, c’est pas forcément mieux, mais elle fait de son mieux pour pas y penser. Et pour pas passer toutes les deux secondes à observer autour d’elle qu’une fourmi est pas là.

“Les étoiles… À New York, c’est difficile de les voir. Je veux dire, de bien les voir. La pollution aide pas. Je crois que je les ai jamais vu aussi définies que ce soir. Peut-être une ou deux fois, en allant voir des amis à nous en campagnes. Dans des endroits moins pollués quoi…”

Ok Sanyu. Pas besoin de raconter ta vie. Elle se tait et lève la tête vers le ciel.
Elle aura peut-être un toricoli demain, mais pour la beauté que ça lui apporte, que la nuit noir et les planètes inconnues lui apportent, ça vaut clairement le coup.

( C ) NOCTEM