noisy nights ((romy))

Une lampe torche frontale, il n’avait pas songé à l’utilité exceptionnel d’un tel objet. Entassé au fond de sa couchette, un drap avalant l’entièreté de son être. Il se note mentalement qu’il se devra de remercier chaleureusement le propriétaire de cette si précieuse relique. Généreusement, cette personne lui en avait gentiment confié les soins de pouvoir l’user à sa volonté. Quelques personnes semblaient avoir remarqué qu’il profitait souvent de la nuit tombée pour s’enfuir en catimini. Bien souvent en quête de Morphée jusqu’au première lueurs du matin. Le baume au cœur, cette tendre pensée, il l’avait accepté. Et à présent, il rêvait déjà d’en posséder un rien qu’à lui.

La lampe frontale vissée sur sa caboche, il avait parfait son esquisse d’artifices. De cette radieuse soirée passée à voir le soleil se coucher. A présent, c’est à travers un nouveau tome qu’il s’est abandonné. L’esprit embrumé, générant ces ombres et ces silhouettes au creux de son encéphale. Ceux que l’auteur le poussait à imaginer. Le roman avait été déniché quelques parts dans cette cité. Perdu, il ne sait où. Ses doigts polychromes caressant la tranche des quelques livres usés dans une boîte précautionneusement abandonnée. Pour qu’une prochaine personne vienne à les retrouver. C’est celui-là, qu’il avait choisi d’emporter. Un drame à l’eau de rose entre deux garçons trop maladroits pour proprement se tomber dans les bras.  Eloignés par tant d’embuches et de réflexions erronés. Absorbé par ces cœurs en proie aux doutes, à la jalousie, à la haine et à l’amour.
Les joues rouges, le souffle plus court quand la vérité vient s’étaler sur les lippes des protagonistes. Le contact de la carne, leurs frictions embrasant leurs âmes et le sien au passage. Roman imagine ces deux hommes s’immoler de tendresse et de douleur à petit feu. Car il n’y a rien de plus beau, rien de plus fâcheux que d’être amoureux. Rien de plus précieux. Entièrement englouti par le récit. Ce sont ses propres traits qu’il visualise, ceux de Nyle… Eux aussi avait perdu un temps inestimable à s’adresser leurs sentiments. A passer de cette éternelle amitié à plus si affinité. Nyle n’avait jamais semblé plus intéressé. Il avait placé leur amitié au centre du monde et l’avait plus que tout préservé. Si l’artiste n’était pas tombé à bout de souffle.  Au creux de ses bras, enfuit tout contre lui. Il se remémore la texture qu’il avait sous la pupe de ses doigts. Le goût de sa peau, de sa langue et ses lèvres contre les siens. Au bout de cette patience, de son silence. S’il ne lui avait rien admis, s’il n’avait pas eu le désespoir de lui jeter son palpitant au pied et à la figure. Nyle aurait continué à le maintenir là où Roman ne pouvait être blessé. Comme s’il avait eu besoin d’être protégé de lui, de son affection et de sa tendresse.

Il l’avait prévenu. Il lui avait dit qu’il finirait briser, le cœur en émietté. Pour autant, la seule chose qu’il aurait aimé changer de ce passé, c’est le temps qu’il a gâché à attendre. Tout ce temps qu’il aurait pu gagner s’il n’avait pas été aussi lâche, aussi lent. Il a l’honnêteté de se sentir trop gourmand. Parce qu’ils n’avaient pas manqué de moments. Depuis leurs 18 ans et même bien avant. Ils se sont côtoyés et n’ont fait que renformer les liens qui les unissaient depuis enfants.
Pour autant, ce sont toutes ces choses qu’il se rejoue quand la nuit généralement vient tomber. Malgré tout… Ses regrets en boucles. Alors qu’il ne modifierait pour rien au monde tout ce qu’ils ont pu partager. La seule et unique chose qu’il aimerait… Ce serait de l’avoir aujourd’hui, toujours à ses côtés. Il lui manque… Tellement comme ce n’est pas permis.

Le tambourinement contre la vitre vient le sortir de ses songes, l’introduit à cette torpeur qui manque de le faire bondir hors de son lit. Une paume plaquée contre ses babines pour retenir un cri, l’autre sur ce cœur qui lui plus fort bondi. Les prunelles recherchent ce qui a bien pu le surprendre ainsi. Une branche, un caillou, un oiseau ? Un morceau de papier et une main se balancent de l’autre côté de la fenêtre. Les sourcils froncés, il ne réfléchi même pas. Emporté par sa curiosité, du petit mot, il s’en est déjà saisi.
La menotte disparaissant aussitôt, il s’empresse de lire les mots : J'AI TON KANGOUROU RATÉ EN OTAGE. SI TU VEUX LE REVOIR, RDV SUR LE TOIT MAINTENANT. PS : PREND TON HERBE SINON ÇA COMPTE PAS !!

Et pour être sûre d’avoir bien tout compris. Il les a relus. Parcourant le bout de parchemin, le retournant plusieurs entre ses doigts. C’est le kangourou qui le fit tiquer car il ne possédait rien de tel en revanche, il avait bel et bien un koala. « Adoni ! », un chuchotement alerté qui retourner les draps autour de lui. Qui le fait dégringoler de sa couchette avec habilité dans l’espoir de le retrouver. Mis à part agacé de son faisceau lumineux les nombreuses âmes endormis, il n’obtint rien de plus. Logique, qu’il réalise. Le mot qu’on lui avait glissé expliquait explicitement que son fidèle compagnon de voyage avait été enlevé. Qu’il ne risquait pas de le retrouver s’il ne montait pas sur le toit avec sa beuh.

C’est le timbre de son géniteur qui résonne en son encéphale. Ces durs mots qui lui dictaient de ne jamais céder aux chantages des voyous. Mais comme bien souvent, le conseil semble se répercuter dans l’oreille d’un sourd. Il farfouille son sac pour récupérer sa consommation et cette boîte où il a toujours quelques pétards prêts à être annihiler. Torse nu, seul son bas de pyjama arc-en-ciel pendant sur les reins. Roman s’est précipité au rez-de chaussée. Un arrêt par la cuisine lui assure de récupérer une bouteille de jus de Mangue dont le frigidaire semble presque toujours approvisionné.

Il se sent un peu niais en grimpant jusqu’au sommet. D’ainsi s’assurer que le ravisseur de sa peluche adorée ne termine cette soirée la gorge complétement desséchée. C’est une fine silhouette qui se découpe au bord du bus. Dos à lui, les pieds balançant dans le vide. Cette crinière enflammée, cette si particulière teinte dorée. Il ne peine à la reconnaître. Cette sirène se prénomme Zola. Il l’a déjà rencontré, croisé plusieurs fois. En deux jours, elle a même eu le temps de lui reprocher son manque d’organisation. Se plaignant déjà de bien trop souvent voir ses affaires traînées. Elle avait trouvé le moyen de le lui faire payer.

« C’est un koala, tu sais. Et il s’appelle Adoni, il a quatre ans. », il prend le temps d’expliquer sur un fond d’hilarité en venant prendre place à ses côtés. Suspendant lui aussi, ses pieds nus dans le néant. « Il est bien trop jeune pour y laisser la vie. », il plaide la cause de son ami inanimé avec ce sourire qui tient à attendrir la ravisseuse.

Il dépose entre eux, la boisson qu’il a emporté. « Si t’avais envie de fumer, tu n’avais qu’à me le demander, tu sais ? », il comprend plus que quiconque ce besoin de quotidiennement s’anesthésier. Il lui tend la petite boite métallique qui contient trois pétards et un briquet. « Adoni a arrêté de fumer, ça en fera plus pour nous. », il lui sourit encore, loin de lui en vouloir d’être venu le tirer de ce sentier où son esprit l’avait emmené s’égarer. « Toi aussi, t’arrives pas à dormir ? », sur sa tête, brille encore la lampe.




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