event 1 — Voilà trois jours d'écoulés depuis le départ de New York. Vous avez pu vadrouiller dans Wethersfield, puis à Stonington à votre guise. Sans pression, les organisateurs n'avaient rien prévu si ce n'est de vous laisser un peu libre de gérer votre temps pour vous permettre de débuter ce road trip tranquillement. A l'issue de ces trois jours, vous apprenez que pour votre dernière soirée, le feu d'artifice du 4 juillet sera lancé sur la plage de Stonington. Il y aura des stands de boissons, et les gens de la ville se sont amassés ici, sur des draps posés à même le sable chaud, pour admirer le feu d'artifice. Picnic nocturne, les affamés pourront également se sustenter grace aux stands de nourriture ; grillades, hot dog, part de tarte, frites, vous pourrez vous régaler.La nuit est enfin tombée, vous voilà installé pour admirer le feu d'artifice. Vous êtes venu.e seul.e ou accompagné.e, peut être en groupe, ou simplement à deux, vos yeux ravis scintillent sous les lumières éclatantes des fusées envoyées jusqu'au ciel. Boom. Dans votre thorax, les détonations percutent, elles symbolisent la fin de cette escale, comme le point final de quatre jour intenses de découverte. Demain, les bus reprendront la route, pour de nouvelles aventures. >> la suite ici ⬝
{ stranger danger } ft. @seo hye-rin (( 04/07/2023 ))
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TW : racisme ordinaire, insultes
Les derniers jours à Stonington avaient été…intéressants. La rencontre de son ange déchu et les sourires en coin continuels d’Astoria depuis. La découverte des bus et du road trip. La décision de rejoindre l’aventure. Les discussions nombreuses avec les conducteurs et quelques discussions avec certains des voyageurs déjà présents. Il s’était passé plus de choses remarquables en deux jours que depuis le début de leur périple. Les bras croisés sous la tête, il regarde le plafond de leur chambre d’hôtel. C’est leur dernière nuit à l’hôtel. Il se demande rapidement s’il va regretter de laisser tomber le confort auquel ils étaient habitués, lui et sa fille, mais a pas besoin de réfléchir trop longtemps pour se rendre compte que non, il regrettera rien. L’aventure est bien plus excitante. Les bus sont bien plus excitants. Il entend sa fille l’appeler de là où elle est, probablement la petite cuisine de leur petite chambre d’hôtel. Se levant et allant la rejoindre, il passe devant la salle de bain. Il détourne le regard. Quelle histoire.
Sa fille semble prête à partir. Un bob noir sur la tête, des lunettes de soleil posées sur le bout du nez et une clope entre les lèvres qu’elle semble être à peu d’allumer à l’intérieur s’il ne se dépêche pas. Sa valise est sous ses fesses malgré le nombre (ahurissant pour une chambre pour deux) de chaises qu’elle a à ses côtés. “Dépêche toi, vieille peau, j’ai envie de m’installer. Et d’aller caresser le chien.” Le chien. Quand il a rencontré le doberman, il a compris que sa fille voudrait aller dans le bus avec le doberman. Il aurait pu la suivre, mais le côté rock nirvana, il a donné. Il a envie de retrouver sa jeunesse, mais pas ce côté là.
Elle part en premier, le temps qu’il règle toutes les affaires administratives à l’hôtel. Lorsqu’il la rejoint dehors, il s’attend à la voir l’attendre juste devant les portes de leur désormais ancien lieu de résidence provisoire. Ce n’est manifestement pas le cas. Il s’avance vers les bus puisqu’après tout, c’est probablement par là qu’elle est allée. Lorsqu’il commence à s’approcher, il entend sa voix. Bonne nouvelle. Elle est effectivement là. Mauvaise nouvelle, elle semble pas être particulièrement de bonne humeur. Plus il s’approche, plus il se rend compte qu’elle n’est pas seule. Avec elle, face à elle. Plutôt planté contre le mur où Tori l’a acculé se trouve une jeune femme. Elle semble être asiatique (à croire qu’ils les attirent) et un peu plus âgée que sa fille. Il continue de s’approcher, plus rapidement. Il connaît sa fille et la tension entre ses épaule n’annonce rien de bon pour sa jeune proie. Il entend des bribes de ce que dit Tori, des mots sur lequels elle n’arrive pas à contenir les décibels. “Salope… Contente… Putain… Lâché l’affaire…” Et c’est vraiment pas assez pour qu’il puisse comprendre ce qu’il se passe. Alors il s’approche et se positionne avec une main sur un des avants bras de sa fille, qui bloquait une quelconque échappatoire pour l’autre jeune femme. “Wow wow, down Tori. Tu m’expliques ?” Elle est à si peu d’avoir de la fumée qui lui sort des tympans. Elle est en colère. Non. Elle est enragée. Il l’a rarement vu comme ça. D’ailleurs, les seules fois où il l’a vu comme ça, c’était dans la salle d’audiance quand elle se battait corps et âme contre la société à cause de qui il était en taule. Alors forcément, ça l’intrigue. Tori semble pas capable de répondre, les lèvres pincées et Charlie se tourne vers la jeune femme (la pauvre jeune femme) en faisant barrière entre Tori et elle (et si, par conséquent, il se retrouve vraiment trop proche d’elle pour que ce soit confortable pour elle, c’est vraiment voulu). “Je m’appelle Charlie, et vous ?” Tori ricanne derrière. Un petit ricanement, une expiration rapide et cynique. “Elle s’appelle Kim j’sais pas quoi. Ou Kang. Ou Susuke, j’en sais rien, je m’en fou. Mais t’as pas besoin de te présenter p’pa, elle sait parfaitement qui tu es.” Charlie a pas quitté la fille des yeux et soulève un sourcil, surpris. Il a pas remarqué qu’en se mettant entre sa fille et la jeune femme, il l’empêche à son tour de se décoller du mur. Tori continue mais s’adresse à la femme par dessus l’épaule de son père. “J’espère que t’as eu une bonne note au moins, connasse.” Et Charlie est définitivement perdu. Il se recule légèrement et pause sa main sur l’épaule de la jeune femme. “Veuillez excuser ma fille, elle a du mal avec les inconnus.” Il ignore le bruit de déni qui vient de derrière. “Je disais donc, je m’appelle Charlie, et vous ?” Cette fille. Y’a un truc chez cette fille. Un truc doux. De la douceur naïve. De la douceur perdue. Comme une pétale de cerisier tombé dans un champ de ronces. Si Sorenn est un ange déchu, elle semble être un ange immaculé.
Dernier jour à Stonington. Hye-rin est heureuse. Pas que la ville soit désagréable, au contraire, elle était rafraichissante sans être dépaysante. Mais l'étudiante avait hâte de pouvoir filmer de nouveaux paysages, de trier ses premières photos, de cocher les premières cases de sa to-do-list et avant ça, d'assister aux feux d'artifice sur la plage, ce soir, pour mieux se déconnecter le temps de quelques heures, de juste profiter de la vie, de sa liberté nouvelle - secrète.
Aujourd'hui, de nouveaux passagers devaient rejoindre les cars, et Hye-rin s'était parée de sa petite caméra à main, celle avec les stickers mignons ; pas l'engin le plus performant du monde, mais elle était très pratique, et surtout, son grain d'image lui donnait un charme inégalable. Tout en descendant du bus après s'être fait râler dessus par un arrivant apparemment de mauvaise humeur, elle s'affairait à deux trois réglages en s'éloignant doucement pour avoir un plan d'ensemble, espérant pouvoir interviewer une personne ou deux, et arriva à hauteur du Mungo, quelques mètres plus loin. Mais à peine eut-elle le temps de relever le nez qu'elle fut immédiatement alpaguée avec une violence inouïe. Plaquée à la carcasse brûlante du bus, elle se faisait crier dessus, insulter, par une femme qui devait avoir son âge, ou peut-être un peu moins, mais sûrement pas plus. Avec le sursaut, sa caméra lui avait échappé des mains, et elle se remerciait intérieurement d'avoir acheté une petite dragonne en perles. Les yeux écarquillés, elle regardait tant bien que mal autour d'elle, pour tenter de comprendre ce qui était en train de lui arriver, tenter de débusquer la caméra cachée, ou tout simplement pour appeler à l'aide, peut-être ?
Jamais une femme ne s'était adressée à elle de cette façon, ses iris cristallines la transperçaient férocement, et ses postillons manquait à peine d'atterrir sur ses propres lèvres, si ce n'est dans ses yeux qu'elle avait finalement inconsciemment fermé comme pour se protéger. Tout s'était passé tellement vite que la coréenne n'avait pas eu le temps de réagir, et à vrai dire, elle ne savait pas comment ? Elle doutait qu'un simple « vous vous trompez de personne » ait un quelconque effet sur la rockeuse enragée, tout comme s'excuser n'avait aucun sens : Hye-rin ne connaissait la jeune femme ni d'Eve ni d'Adam. Soudain, une voix masculine se fit entendre, donnant un bref regain d'espoir à l'étudiante. Vraiment très bref. Mince. Ils étaient ensemble. Et s'il commençait à s'en prendre à elle, lui aussi ? Honnêtement, Hye-rin était à ça de pleurer. Celle qui n'avait jamais quitté le confort de sa demeure séoulite ou des locaux de Columbia se demandait si ces images de sa vie d'avant lui revenaient à l'esprit par hasard, ou si elle voyait simplement sa vie défiler devant ses yeux avant qu'on ne retrouve son corps sur la plage ce soir. Elle avait vu et lu des trucs glauques, bien sur, les faits divers grouillaient aux Etats-Unis, mais jamais elle n'aurait pensé en peindre les colonnes un jour.
Puis soudain, elle senti la chaleur du soleil disparaître pour laisser place à une chaleur plus… humaine. « Je m’appelle Charlie, et vous ? » L'homme s'était interposé entre la banshee (ces créatures qui hurlent à vous en arracher les tympans) et elle. Sauf que, si on rembobine, on se rappelle que la fille en question - Tori, c'est ça ? - était déjà tout près de son visage. Et lui semblait s'être faxé entre les deux. En bref, Hye-rin était désormais complètement aplatie contre le Mungo, et cette proximité plus qu'alarmante la força à rouvrir les yeux, ne rencontrant alors qu'un large torse. « Elle s’appelle Kim j’sais pas quoi. Ou Kang. Ou Susuke, j’en sais rien, je m’en fous. Mais t’as pas besoin de te présenter p’pa, elle sait parfaitement qui tu es. » « 야! (hé!) » Réaction instinctive (quoique très trop minime) au racisme de la fille. Les sourcils désormais froncés, Hye-rin avait tenté de bouger, en vain, et tiqua quelques secondes plus tard au reste de sa phrase. Papa ? Son regard se porta à nouveau sur ledit Charlie, duquel elle observa de (très) près le visage. Il n'avait clairement pas l'air d'un papa. Ou alors, celui d'un petit bébé. Au mieux d'une petite fille. Mais pas d'une sorcière pareille. Et puis, qu'est-ce qu'elle racontait déjà ? Le reste de ses insultes lui coulèrent dessus ; si le père en question (qui se reculait enfin, bien que légèrement) semblait bien moins effrayant que sa fille, son visage n'en était pas moins ferme. Doux, mais ferme. Avec un quelque chose d'intriguant.
« Je disais donc, je m’appelle Charlie, et vous ? » L'apnée. L'apnée pouvait prendre fin, et la coréenne soupira doucement, s'arrangeant pour rester en-dehors du cadre de sa future meurtrière. « Je- » elle hésita un instant, pas vraiment sûre de devoir le dire tout haut. Sa fierté venait d'en prendre un coup, et sa tension avait grimpé en flèche. Aussi, elle jeta un énième coup d'œil vers l'avant du bus ; pas de Dan à l'horizon, ni aucun autre conducteur. Certains semblaient les observer au loin, mais personne pour voler à son secours, évidemment. Pas le choix, il allait falloir se montrer aussi courageuse que lors d'un grand oral de fin d'année. Alors elle se râcla la gorge et se redressa, son dos quittant enfin la paroi brûlante du véhicule qui la soutenait jusqu'alors, laissant une grosse marque rouge sur ses omoplates. « Je ne m'appelle pas Kim, ni Kang, et encore moins Susuke. » Petit chaton se croyait lionne à l'instant T, se parant d'un regard qui se voulait défiant bien que brillant, et d'un menton fièrement relevé, quoique toujours tremblant. « Je m'appelle Seo Hye-rin, et habituellement les gens m'appellent Erin plutôt que de m'insulter ouvertement… » La voix se brisait sur cette fin de phrase, mais Hye-rin reprit, s'emparant à nouveau de sa caméra - qui avait enregistré toute la scène - pour mieux la fermer et la mettre en sécurité. « Ecoutez, je ne sais vraiment pas qui vous êtes, je ne vous ai jamais vus de ma vie et je ne veux pas d'ennuis, alors laissez-moi partir, d'accord ? » aka je ne veux pas mourir aujourd'hui ok ? Svp ? Et doucement, Hye-rin commença à longer le Mungo dans l'espoir de s'y réfugier.
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Il trouve ça particulier, qu’en quelques jours à peine, il ait rencontré Sorenn, l’ange déchu et cette fille qui semble être tout son contraire. Alors que lae était le chaos, elle semble être la paix. C’est étrange. Ce qui est étrange, aussi, c’est que sa chère fille adorée semble la connaître. Et il ne comprend pas comment ni pourquoi sa fille connaîtrait une fille pareil sans jamais lui présenter. Alors, il a bien compris qu’elles ne semblent pas s’entendre mais même ses pires ennemies, il les connaît. Il les apprécie d’ailleurs en général aussi peu qu’elle. Là, c’est différent. Là, ça ne semble pas être simplement une histoire de gamines ou de copains volés, non. Là, ce que Tori semble ressentir, c’est de la colère, de la haine. Du dégoût, presque. Lorsqu’il entend sa remarque sur son nom, il se retient de la reprendre. Elle sait parfaitement que ce qu’elle vient de dire est raciste. Et elle l’a fait absolument exprès. Il aime pas quand elle agit comme ça, quand elle se laisse porter par ses émotions négatives. Ça lui arrive à lui aussi, mais jamais il s’attaque à un principe fondamental comme l’égalité ou le respect. Quoique. Parfois, pour le respect. Il prendra quelques minutes plus tard dans la journée pour lui en parler. Elle le sait. Il sait qu’elle le sait.
La jeune femme semble pas apprécier la remarque non plus, sans surprise aucune et réagit au quart de tour d’un honomatopé qu’il ne reconnaît pas. Pas Anglais, manifestement. Les sourcils froncés, il se prend à penser que, comme Sorenn quelques jours plus tôt, elle ressemble à un chaton en colère. Sorenn n’était pas en colère, mais il ressemblait à un chaton. Deux petits chatons.
Il profite du moment d’ahurissement de la jeune asiatique pour recommencer à se présenter, une deuxième fois. Seconde fois, il l’espère. Dernière fois. Lorsqu’elle lui répond, ce n’est pas en une phrase simple et précise. Elle commence une phrase qu’elle arrête après le tout premier mot. Il peut pas s’empêcher de se demander ce qu’elle regarde, aux alentours. Lui, il attend, calmement, qu’elle lui réponde. Elle l’intrigue, en elle-même, mais plus que ça c’est la réaction de sa fille qui l’intrigue. Après une réponse - méritée - envers Tori qu’il voit lever les yeux au ciel, elle finit par se présenter. Seo Hyerin. S’il en croit la sonorité de son prénom, elle est coréenne. Et s’il en croit les deux premiers noms qu’a donné Tori en la présentant, elle le savait parfaitement. Erin. Il l’appellera Hyerin, c’est son prénom après tout.
La façon dont elle lui demande de la laisser partir le fait lever un sourcil de surprise. Il la retient pas prisonnière, elle peut s’en aller. Certes, si lui la laisse partir, ce sera probablement pas le cas de Tori. Après tout, c’est la seule raison pour laquelle il est entre eux deux actuellement, pour lui éviter d’être attaquée de nouveau par sa fille qui, manifestement, lui en veut.
Il voit la fille bouger et voit Tori bouger en même temps qu’elle. Il la retient lorsqu’elle se lance vers elle, comme dans l’idée de la repousser sur le mur. “Pardon ? PARDON ??? Comment ça tu sais pas qui on est ???? CHARLIE SALLOW, ÇA TE DIT RIEN, PÉTASSE ?” Et autant, avant, c’était drôle. Autant là, Charlie se dit que peut-être, peut-être, il commence à comprendre à quoi c’est lié. Et le regard presque amusé qu’il tournait vers Hyerin devient plus sérieux, plus de son âge. “C’est une putain de journaliste, papa. Elle est venue interviewer maman quand t’étais en taule. Je me souviens parfaitement de la voir prendre toutes ses belles petites notes alors que son connard de mec posais tout sortes de questions allant de “est-ce que daphnée vous empêchait d’avoir une vie sexuelle” à “pourrait-ce être la raison de son geste inconsidéré ?” Hein ? HEIN ? TU T’EN SOUVIENS PAS DE ÇA ?”
Charlie comprend. Comprend la colère. Comprend la haine, le dégoût. “Tu m’files la gerbe. Toi et toutes les fouines dans ton genre. Vous respectez rien !”
Il finit par se tourner vers sa fille et lui lance un coup de menton vers le bus qu’elle a décidé d’emprunter. “Go, j’te rejoins plus tard.” Elle part, la colère presque visible comme une aura autour d’elle.
Charlie se retourne, et ne sourit plus. “Désolée, pour ma fille. Si vous voulez un update pour votre article, j’peux vous offrir un café.”
Si l'homme la laissait filer, ça n'était pas le cas de sa fille, dont il retenait tout le poids du corps par la simple force de son bras. On aurait dit une chienne enragée, du genre qui attaque pour aucune raison, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de sa proie. Elle aboyait et aboyait, mais n'aurait pas la chance de mordre. En tout cas pas tant que Charlie tirait sur la laisse. « Pardon ? PARDON ??? Comment ça tu sais pas qui on est ???? CHARLIE SALLOW, ÇA TE DIT RIEN, PÉTASSE ? » La crainte s'estompa un instant, le temps pour Hye-rin de tirer au clair le pourquoi de la tonalité familière de ce nom. Charlie Sallow. C'était un nom qu'elle connaissait par cœur. Pourquoi ? Elle était si sûre de ne jamais avoir vu son visage. Elle s'en serait souvenue, absolument. Mais c'était bien la première fois qu'elle en parcourait les traits. Aussi, son regard se planta dans celui du père, qu'elle analysait, puis de la fille vers laquelle elle se retournait ; la peur ayant disparu pour laisser place à une attention toute particulière pour ses mots qui se bousculaient en un brouhaha de haine.
L'histoire fut mise au clair, et l'épiphanie dans les yeux et le ventre d'Hye-rin se fit douloureuse. Charlie Sallow, le père qui tua la fille. Supposément. Une histoire qui remontait à plusieurs années, alors que la coréenne venait d'arriver à New York City ; première année à Columbia. Premier gros dossier à couvrir pour ses partiels. Récemment on lui avait dit que le père avait été libéré, innocenté. Ca avait été balancé comme ça par un autre élève, et Hye-rin avait repensé à cette famille. A cette femme pas vraiment à l'aise, fermée dans sa posture lorsqu'elle répondait aux questions du journaliste, et à la petite fille qui la fixait depuis l'entrebâillement de la porte. Probablement celle-ci, Tori. Ca n'avait pas été une expérience facile, parce que quand on débute dans ce milieu, c'est dur d'être impartial, et ce jour-là Hye-rin l'était pas. Parce qu'elle voit la lumière chez les personnes les plus sombres, et parce que chez eux, y'avait aucune trace d'obscurité, si ce n'est le profond chagrin qui transparaissait dans les murs de la maison. Le tic tac de l'horloge était la seule chose qui venait interrompre le silence, lorsqu'Edgar - qu'elle avait rencontré le matin même - et elle se taisaient pour prendre note. Et à vrai dire, Hye-rin n'avait pas beaucoup parlé ce jour-là. Elle était venue pour observer et apprendre, s'était contentée de saluer la mère et de retranscrire l'interview sur sa tablette. Et elle n'avait plus jamais revu ni la famille, ni le journaliste après ce jour.
« Tu m’files la gerbe. Toi et toutes les fouines dans ton genre. Vous respectez rien ! » Ça, c'était peut-être mérité. Et Hye-rin accepta l'insulte par un silence. Elle avait désormais l'air plus triste qu'effrayée, plus désolée qu'agacée. Les faits divers, c'était clairement pas son truc. Ca l'enchantait aussi peu que sa conversation avec les Sallow. Mais elle n'avait pas eu le choix. Et peut-être bien qu'elle pensait la même chose que cette fille, lorsqu'elle regardait ses confrères sauter sur les moindres faits et gestes des citoyens dans le collimateur des médias. Les joues rosies par les remords, Hye-rin se contentait de trifouiller une mèche de ses cheveux en regardant quelque part dans le vide. L'homme renvoya sa fille, et l'atmosphère se fit instantanément plus légère, quoique toujours peu glorieuse. « Désolée, pour ma fille. Si vous voulez un update pour votre article, j’peux vous offrir un café. » La coréenne releva les yeux pour observer l'homme depuis la dentelle de ses cils. Il ne souriait plus, mais son expression dégageait encore quelque chose de doux. De rassurant. De charmant ? Hye-rin inspira un grand coup et passa une main dans ses cheveux, alors qu'elle approcha de nouveau Charlie d'un pas. « Vous n'avez pas à vous excuser, elle a raison quelque part, en plus d'avoir une excellente mémoire. » Elle haussa les sourcils à cette remarque, puis tenta un faible sourire. « Mon truc c'est plutôt les documentaires. » dit-elle en levant sa caméra à main, avant de s'empresser d'ajouter : « Bien évidemment, vous n'avez pas de soucis à vous faire, vous n'y apparaitrez pas. Ni vous, ni votre fille. » Ce serait du suicide que d'oser braquer un quelconque appareil (ou ne seraient-ce que les iris) sur Tori.
Toutefois, Charlie avait définitivement quelque chose d'intriguant, tant par son charme que par son histoire. Aussi, Hye-rin s'accrocha à la perche qui lui était tendue. « Mais laissez-moi payer le café. Je vous dois bien ça, en plus de quelques explications. » Elle aimait pas trop le café, mais le sacrifice en vaudrait sûrement la peine, alors elle fila dans le Rooster troquer sa caméra contre son sac à main, duquel elle tira un petit rouge à lèvres qu'elle tamponna doucement sur ses joues et ses lèvres. Elle referma sa vanity qui était étrangement entrouverte, et se dépêcha de plus belle de retrouver Charlie. A défaut d'apprendre quelque chose qu'elle ne savait pas déjà sur son histoire, elle pourrait sûrement caresser son visage du regard pendant une petite heure. Juste comme ça.
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Charlie a une capacité d’observation légèrement au dessus de la moyenne. Il sait que c’est les années de prison qui l’ont forcé à la développer et parfois ça le dérange. Dans ce cas ci précis, il en est plutôt reconnaissant. Il comprend enfin pourquoi sa fille est aussi en colère mais il se rend aussi compte que logiquement, sa colère doit être mal placée. À part si cette fille a commencé sa carrière de journaliste très, très, mais alors très tôt, elle était probablement que stagiaire ou étudiante à l’époque où les journalistes posaient encore ce style de questions à sa femme. Elle doit être légèrement plus âgée que sa fille mais de quelques années, trois, quatre, pas bien plus. Et sa fille à l’époque avait quoi, quatorze, quinze ans ? Dans aucun monde cette fille aurait pu être celle de ceux qui ont posé toutes ses questions malplacées et dérangeante à sa famille. Il comprend que Tori soit en colère mais il sait qu’elle se trompe de cible. Elle pourrait lui repprocher, à la rigueur, de pas être intervenue, mais Charlie sait aussi prendre du recul et quelqu’un qui n’est pas ans l’histoire, dans la situation, quelqu’un qui ne connaît pas personnellement les acteurs d’une histoire comme la leur…c’est difficile de se rendre compte de quelles questions sont déplacées et desquelles valent le coup d’être posées.
Il lui propose un café. C’est un peu sorti de nul part mais elle comme lui ont probablement besoin de faire retomber la pression du moment. Elle plus que lui sans doute. Il n’a pas envie qu’elle parte de l’idée que sa fille est juste violente sans raison et il n’a pas non plus envie qu’elle commence à parler d’elle dans un quelconque blog ou vlog ou documentaire. Oh, il ne lui propose pas un café seulement pour s’assurer de ce qu’elle va ou non dire aux autres ou au public mais… mais c’est en parti pour ça. L’autre parti est plus une façon pour lui de montrer que quoiqu’elle pense de lui, quoiqu’elle pense savoir de qui il est ou de son histoire, ce n’est pas vrai. Si les questions que Tori a crié tout à l’heure sont les vraies question que son collègue a posté à sa femme alors elle doit avoir une vision de lui probablement déformée. Même si elle a eu accès à une update ou au fin mot de l’histoire, il aimerait lui donner sa version. Puis ça fait pas de mal, de prendre un café avec une jolie fille, aussi.
Il sourit doucement de nouveau lorsqu’elle répond. Au moins, elle semble pas vouloir porter plainte ou parler d’elle dans un reportage quelconque. Elle lui dit rapidement que maintenant son truc, c’est plus les documentaires. En opposition aux articles à clics faciles, il suppose. Il la voit se dépêcher de rajouter que ni lui, ni Tori ne seront dans le sien. Ça le fait sourire. En vérité, si Tori, c’est plutôt une bonne idée qu’elle aille pas pointer sa caméra sur elle, ça ne dérangerait pas Charlie. Après tout, il n’a rien à se repprocher, et si ça peut lui permettre de lui faire comprendre qu’elle n’a rien à craindre de lui. Si ça peut lui permettre de passer plus de temps avec elle aussi, peut-être. Il a remarqué qu’elle s’était approchée de lui et il ne recule pas pour autant. Ils sont proches, l’un de l’autre, il se demande, le temps d’un instant si elle s’en rend compte et si ça ne la dérange pas. Manifestement, non.
Lorsqu’elle propose de lui payer le café et qu’elle part vers un bus, il l’attend. Il ne la laissera rien payer, bien entendu mais elle peut toujours penser qu’elle lui offre le café jusqu’à ce qu’ils arrivent à la caisse après tout.
Lorsqu’elle ressort et qu’il la voit se rapprocher de lui, il remarque que ses lèvres sont légèrement plus rouges qu’avant. Elle s’est maquillée ? Intriguant. Intéressant. Il stock l’information dans son esprit et lui montre la direction vers laquelle ils se mettent à marcher avant de lui emboiter le pas.
Ils arrivent rapidement au café et se retrouvent devant le comptoir. Il commande pour lui un café noir allongé et se retourne vers la journaliste avant de l’observer quelques secondes. “Et un…thé ? Chai, par exemple ? Ça t’irait ?” Il lui sourit et sort sa carte avant de la donner à la serveuse, sans vraiment laisser le temps à la jeune femme de réagir.
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