colours of you (roman)

Il avait un plan aujourd’hui.
L’idée lui était venue ce matin, à force d’observer l’horizon. Enfoncée dans une chaise de camping sur le parking, un pétard et une tasse de thé fumants dans chaque main. Fixant le point le plus lointain, le plus proche de l’océan. Ou peut-être que l’idée naquit d’abord cette nuit, l’orbe capturé par sa luminosité. L’esprit égaré vers les marins, vers ces pirates d’un univers lointain. Inspiré des contes d’enfants où venaient s’échouer ces créatures fantastiques et mystiques bien vivants. Vivifiants, fascinants. Déterminé d’aller conquérir les dragons des mers et à se laisser séduire par les tritons. D’aller religieusement se recueillir auprès de sa muse, l’océan.

Chaise de camping emprunté, le chevalet et quelques châssis emporté. Quelques bricoles à boire et grignoter qu’il avait été acheté dans la matinée. Tenté de convier Nyle à cette excursion, il fit tout de même le choix de le laisser reposer dans sa couchette. La hantise de voir un accident lui arrivé, de le voir encore une fois beaucoup trop tôt s’envoler. Le vent soufflait l’air salin, lui donnant d’autant plus envie d’aller contempler la mer de plus près. La fascination du mouvement de l’eau, de ses teintes qui s’inspirent des couleurs de la terre, des dieux et des cieux. Divinité particulièrement chère dont il se languissait d’aller en capturer les pigments, les plis et les creux.

Un short de bain blanc sur les reins, une chemise d’été bleuté qu’il n’a pas refermé virevoltant dans le vent. A présent, sur le départ, il eut la mauvaise idée de rouvrir son sac pour pêcher son bob bleu ciel afin de parer un peu de ce radieux soleil de plomb. Peut-être qu’il aurait dû anticiper parce que maintenant, il peine avec son sac muni de l’espoir miraculeux de parvenir à nouveau à le refermer. « Salut, tu vas quelque part ou est-ce que tu déménages ?», il lève sa tête, Roman. Au-dessus de ses lunettes qui ont glissé jusqu’au précipice de ses narines pour détailler la jeune femme qui s’est avancée jusqu’à lui. Le petit sourire qu’il lui tire témoigne sa gêne occasionnée, l’agacement qui commençait à monter.

Roman s’est figé dans ses mouvement. La jeune femme qui lui fait face, il ne peine à la reconnaître. Il l’a presque convié à prendre le goûter avec lui lors de la réunion de départ. Subjugué, alors par la férocité de sa beauté. Aujourd’hui ne vient faire la différence. Radieuse, à présent d’autant plus avec cette lueur bienveillante brillant au fond de ses iris. La crinière à peine retenue volant dans le vent. Sa porcelaine ensoleillée, illuminée par le haut soleil. Elle est si belle.
Il prend la peine de tout de même jeter un coup d’œil derrière lui. S’assurant de cette manière que c’est bien à lui qu’elle s’adresse.
Comme s’il y avait une autre personne autour d’eux suffisamment chargé pour qu’on vienne soupçonner un déménagement…

Et c’est bizarre, parce qu’il a l’impression d’oublié où est-ce qu’il l’a croisé. Réellement rencontré. Comme s’il avait retenu ses traits d’un souvenir qui n’était pas le sien. Il n’y a plus étrange perception parce qu’il était persuadé avant cet instant qu’il ne l’avait vu qu’une seule fois auparavant. Mais la douceur de ses traits à cet instant vient perturber ses sens.
Ou alors, il a un peu trop fumé, déjà.
Déjà ?


«besoin d'un coup de main ?», ses prunelles poursuivent tout naturellement le geste de ses mains. Sur lesquelles, elles s’attardent. La rondeur élancée de ses phalanges, fine, menue. Les pigments de ses ongles exprimant une douceur qui vient le faire fondre. Portés courts, ses ongles reflète la lumière. Sans extravagance, avec élégance. Pointant une direction avec nonchalance.
La pointe vers ce sac encore ouvert à ses pieds.

Comme il l’avait fait à la réunion, sa propre patoune moucheté d’éclat colorés vient gratter l’arrière de sa tête. « Oui… c’est vrai… », il laisse sa main retomber à mesure qu’il remonte vers elle, sa tête. «Il est vrai que j’ai peut-être eu l’espoir de déménager au phare toute la journée… », la tête baissée, les épaules affaissées. Mais l’anglais s’est tout aussi vivement redressé, son espoir et sa félicité étirant ses traits. Il est vrai qu’elle vient tout juste de lui proposer de l’aider. « C’est vrai, tu veux bien ? », il n’a pas non plus envie de l’embêter mais une paire de bras supplémentaire ne serait pas à refuser. Tout seul, il n’est pas certain d’y arriver au sommet. « Tu veux bien m’accompagner ? J’ai pris de quoi boire et grignoter, on pourra enfin se le prendre ce goûter. », Roman n’a pas oublié la toute première proposition qu’il lui a faite. Il lui sourit, avec espièglerie. Vile tentateur, conscient de l’appâter par son estomac. Son estomac qui est si plat, il remarque qu’elle aussi est en maillot de bain. « D’après google map, on peut même s’y baigner au bout y’a l’océan ! », ensuite, ses orbes chocolat rencontre la couverture de son livre.
Peter Pan.
Le préféré de Nyle.

Il sent sa pomme dégringoler jusqu’au fond de son estomac mais il force ses lèvres vers une esquisse de sourire. Et bientôt, c’est plus facile de saisir le seulement le plaisir de pouvoir si aisément se souvenir de lui. Du nombre incalculable de fois où il l’a vu le lire et le relire… « Très bon choix. Je connais quelqu’un qui n’a jamais su se lasser de le lire. », il ne l’a pas dit au passé. Persuadé que là où il est, il doit l’avoir emporté pour chasser l’ennuie, par simple plaisir de pouvoir encore le feuilleter.




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